Interview de Dave Chun, boss de Kialoa : Présentez rames !
Kialoa, ça vous dit quelque chose ?
Cette marque de pagaies a fait ses débuts en 1991, quand Dave Chun a commencé à fabriquer des pagaies d’Outrigger Canöe. Rapidement, ce mélande d’artisanat hawaiien et de technologie moderne séduit les rameurs, qui demandent à Dave du matériel plus léger : c’est la naissance des pagaies hybrides bois-composite, qui conduira à la fabrication de pagaies entièrement en matériaux composites.
Dave Chun a bien voulu répondre à quelques unes de mes questions
Bonjour Dave. Ça veut dire quoi, Kialoa ?
C’est un mot hawaiien pour désigner un canoé très rapide. C’est aussi le nom de mon voilier préféré, qui courait la Trans Pac entre Hawaii et la Californie(NdA : il s’agit de Kialoa III, maxi-yacht des années 80, qui a tout gagné, du Fastnet à Sydney-Hobart)
Quand avez-vous commencé à construire des pagaies ?
J’ai commencé à courir en Outrigger il y a 25 ans. Mes premières pagaies ont 20 ans, j’ai commencé à Kailua, Oahu, dans le jardin de mes parents. Mes premières pagaies de SUP datent de 7 ans, je les ai faites pour Laird Hamilton.
Comment sont fabriquées vos pagaies. A la main ?
Partiellement. Nos pagaies sont moulées. En général je commence par shaper la pagaie, puis on affine dans un deuxième temps par CAO et enfin on crée les moules à la main (ils sont en epoxy), les outils sur machine à commande numérique si c’est du métal. Et toute la partie moulage des matériaux est faite à la main.
Quel type de carbone utilisez-vous ?
En fait, nous utilisons différents types de carbone en fonction de la partie de la pagaie. Pour l’instant, nous n’utilisons pas de carbone pré-impregné
Vous avez été la première marque à diminuer les surfaces de pale. D’où vous est venue cette idée ?
En Outrigger, nous fabriquons plein de pagaies de surfaces et de forme différentes, pour répondre à la demande des rameurs. Quand nous avons commencé à comprendre le SUP, nous nous sommes rendus compte que les planches étaient beaucoup plus lentes que les Outrigger. Une embarcation plus lente nécessite une pagaie de surface moindre…
Blane Chambers de PSH, m’a demandé de construire un prototype de pagaie plus petite, qui finalement est devenue la « Methane ». Notre nouvelle pagaie, la « Pipes », est encore plus petite ; elle a été conçue pour les femmes, car elles sont généralement moins véloces que les hommes. Elles ont donc besoin d’une pale plus petite !
Que pensez-vous de pagaies dièdres (NdA : dihedral, en anglais) ?
La plupart de nos pagaies d’Outrigger ont ce type de design. Mais ce n’est pas la seule façon d’assurer la stabilité de la pale dans l’eau. Une surface de de pale appropriée, « proportionnelle » à la vitesse de la planche a aussi un intérêt. Mais nous n’écartons pas cette option pour le SUP. Chuck Patterson teste trois modèle qui sont tous dotés d’une forme dièdre. Cette forme vient de la construction des pagaies bois, où cette nervure centrale apporte de la rigidité
Vos idées sont un peu à contre-courant, non ?
Je voudrais que les rameurs vérifient eux-même quelques notions importantes :
Après un long temps de rame, vous vous rendez compte que votre fréquence diminue. Vous aurez alors besoin soit d’une pale plus petite, soit d’un meilleur entrainement.
Si vous avez l’impression que votre pagaie traverse l’eau en faisant des bruits de turbulence, c’est que soit votre pale est trop petite, soit votre technique est insuffisante…
Ces deux situations montrent que la vitesse à laquelle avance votre planche est en effet en relation avec la surface de la pale, mais de façon INVERSE !
Inverse ?
Je m’explique :
Si votre planche a une vitesse de carène élevée, vous pouvez utiliser une grosse pale, grâce aux effets de l’inertie. Dans le cas contraire, une pale plus petite est plus efficace.
Pour résumer, la taille de la pale ne vous fera pas aller PLUS VITE ! Une bonne technique de rame est beaucoup plus importante…
Alors, comment choisir sa pagaie ?
Je pense qu’il serait plus malin de la choisir après une bonne heure de rame au moins. Si vous êtes explosé, c’est que la pale est trop grosse
Avez-vous des conseils techniques à nous donner ?
La phase de propulsion du coup de pagaie est duelle : douce et forte à la fois. La pale doit rester aussi immobile que possible pendant la phase de propulsion, ce qui veut dire que vos épaules doivent « verrouiller ». La puissance vient des hanches, des jambes, des muscles de gainage profonds (NdA : core muscles). En Outrigger, quand j’ai trouvé ma position, mon grip est si fort que j’ai la sensation que je pourrais me tenir debout au sommet de ma pagaie sans pouvoir l’enfoncer dans l’eau
Kialoa est bien connu des SUPers pour ses pagaies « surf », mais peut-être avez-vous un modèle « race » en préparation ?
En effet, Chuck Patterson et moi avons juste commencé à travailler sur un prototype de pagaie « race », que nous testerons cet été. Sortie espérée fin 2010. Le SUP est un sport vraiment nouveau, et les normes d’équipement restent à définir. D’ailleurs la distinction entre « surf » et « race » est un peu artificielle, car en réalité les pagaies fonctionnent dans les deux activités. Chuck a couru avec la Shaka Puu, il trouve la Nalu trop grosse, sauf pour le downwind.
Vous voulez dire que Chuck Patterson travaille avec vous tout en étant coureur Hobie (NdA : Hobie produit aussi des pagaies carbone) ?
Oui, Hobie et KIALOA sponsorisent Chuck ensemble. Nous faisons de même avec les coureurs Naish Karen Wrenn et Beau Whitehead. Chaque fois que c’est possible, nous nous efforçons d’avoir des relations constructives avec d’autres compagnies impliquées dans le SUP.
Courez-vous en SUP ? Flat, downwind ?
Je suis un rameur amateur. Nous avons des courses locales sur la Hood River(NdA : Oregon), sponsorisées par Naish. Si mon emploi du temps le permet, j’espère courir autant que possible. Les courses sont météo-dépendantes, en fonction du vent on a un downwind ou du flat. L’an dernier, je me suis construit deux planches de race, une 16’ et une 18’. Je fais aussi du Surfski et de l’Outrigger Lors de gros évenements comme la Battle Of Paddle, je fais des relations publiques, je supporte les athlètes KIALOA; j’adore aussi prendre des photos.
Quel est votre style de rame, Hawaiien ou Tahitien ?
Je suis hawaiien, donc j’imagine que mon style est en rapport… En fait je n’essaie pas d’imiter un style quelconque. Je me focalise sur la technique de rame et j’utilise un GPS pour surveiller ma vitesse. Une bonne technique est basée sur une position du corps autorisant une forte puissance en utilisant les gros groupes musculaires comme les jambes et le torse. Quand je rame, j’essaie de « traverser » les hanches
Que pensez-vous du futur du SUP ? Un gros succès d’après vous ?
Je ne sais pas…Je ne spécule pas là-dessus vous savez ! Je suis fabriquant de pagaies, et je continuerai, que le sport soit très populaire ou pas. Quand j’ai construit ma première pagaie de SUP, le sport n’avait même pas de nom. On l’appelait le Stand UP Surfing… Je pense que le SUP continuera son développement si nous, fabricants, sommes capables de produire du matériel bon marché et amusant pour les débutants
Avez vous l’intention de venir en France ?(NdA : Mme Chun parle français)
J’y suis déjà allé une fois, et j’adore votre pays. La nourriture, le vin, les gens sont super. On pense aller voir notre ami (et importateur) Jean-Philippe Wuimart, mais sans doute pas en 2010. Mais 2011, c’est sûr !
Dave, merci encore de m’avoir consacré un peu de votre temps.
Bon, au boulot les gars, Mr Chun vous donne les conseils pour être les plus forts, profitez-en !
Hasta la vista babies
Doc Jacob’s
Photos : JP Wuilmart & Kialoa